On est décidément obsédé par le nombre. Les récentes célébrations de la Semaine sainte n’y ont pas échappé. On déplore régulièrement qu’elles ne soient plus aussi fréquentées qu’autrefois, que les églises ne soient plus aussi pleines, qu’on ne voie plus d’enfants, que les servants de messe ne soient plus aussi nombreux… On juge même de la qualité des célébrations selon qu’il y a ou non beaucoup de participants, comme si une célébration était moins « réussie » parce qu’il y aurait peu de participants.
Il est bien sûr regrettable, et même préoccupant, qu’il n’y ait pas plus de personnes qui participent à la vie de nos paroisses, qui d’ailleurs ne se limite pas aux célébrations. Mais est-ce si étonnant, alors que pratiquer sa foi – pas seulement à l’église, mais là où on vit – n’est plus le souci premier de bien des baptisés ? Est-ce si étonnant qu’en particulier les célébrations de la Semaine sainte soient moins fréquentées, alors qu’elles touchent justement au coeur de la foi ? Est-ce si étonnant, alors que la messe et la catéchèse sont devenues une activité parmi bien d’autres souvent plus attrayantes et plus divertissantes ?
Faire nombre n’est pourtant pas la caractéristique du christianisme, même si cela a pu être le cas dans le passé. A la question : « Que peut apporter la jeune Église mongole à l’Église universelle ? », l’évêque de la toute petite et jeune Église de Mongolie – trente ans d’existence, mille quatre cents baptisés sur trois millions d’habitants – a répondu : « La beauté et l’élan de leur jeune foi, le fait qu’ils vivent naturellement le fait d’être un petit troupeau, peuvent, je l’espère, soutenir et encourager ces communautés. En Occident, les chrétiens souffrent d’être devenus minoritaires, se replient parfois sur eux-mêmes et regrettent les grandes affluences du passé. Un aspect qui, en réalité, n’est pas et n’a jamais été la spécificité du christianisme dans le monde. »
Si on montrait un peu plus la beauté de notre foi et l’élan qu’elle donne à notre vie, au lieu de regretter à longueur de temps les affluences du passé et de les idéaliser, d’autres, à notre contact, (re)prendraient peut-être goût à la foi. Il est plus facile de se lamenter et de chercher la cause dans ceci ou dans cela que de commencer par s’interroger soi-même sur la façon dont on rend témoignage à Jésus dans sa vie de tous les jours. Ce n’est pas le nombre qui fait qu’une communauté chrétienne soit dynamique et attirante, mais la beauté et l’élan de sa foi !
C’est d’ailleurs cela que le Seigneur ressuscité a demandé avant toute chose à celles à qui, en premier, il s’est montré vivant : « Allez annoncer à mes frères » (cf. Mt 28, 10), et c’est cela aussi qu’il nous demande. Si seulement nous étions moins obsédés par le nombre que d’aller annoncer à nos frères et nos soeurs la foi qui nous anime, nos paroisses revivraient !