La cigogne est revenue, surprise, à n’en pas douter, que le nid qu’elle avait patiemment bâti sur la croix avait disparu et qu’une sorte de parapluie l’a remplacé. A son arrivée, elle semble d’ailleurs l’avoir analysé de près comme pour voir comment elle pourrait malgré tout rebâtir son nid, mais elle a vite dû se rendre à l’évidence que l’entreprise ne serait pas si commode.
Elle a donc cherché un autre lieu où s’établir. Elle n’est pas repartie, fâchée. Elle a recommencé autrement et ailleurs. A défaut d’y habiter, elle revient de temps à autre se poser sur le faîte du toit de l’église ou du clocher. La cigogne est persévérante. Elle n’abandonne pas facilement. Elle s’adapte. Elle reconstruit sans se poser beaucoup de questions, sans même être certaine qu’elle retrouvera son nid lorsqu’elle reviendra. Elle en prend le risque.
« C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie » (Lc 21, 19), dit Jésus, et par notre persévérance aussi qu’on porte du fruit (cf. Lc 8, 15). Il n’est pas sûr qu’on ait toujours autant de persévérance que la cigogne qui n’a pas été gagnée par le découragement lorsqu’elle a constaté que son nid a été enlevé. On a quelquefois vite fait de baisser les bras, de tout jeter par-dessus bord, de laisser les autres se débrouiller devant des obstacles, des déceptions, des échecs, ou tout simplement parce que les choses ne sont pas telles qu’on les avait rêvées. Dans l’Église et dans bien des milieux, des choses ont été possibles parce que des personnes ont fait preuve d’audace et de persévérance, et ont mis d’autres personnes en route, plutôt que de rester là à regarder, à déplorer ce qui a disparu, à regretter ce qui n’est plus, à penser « après moi le déluge ! »
« La joie de l’Évangile, dit le pape François, est celle que rien et personne ne pourra jamais enlever (cf. Jn 16, 22). Les maux de notre monde – et ceux de l’Église – ne devraient pas être des excuses pour réduire notre engagement et notre ferveur. Prenons-les comme des défis pour croître. En outre, le regard de foi est capable de reconnaître la lumière que l’Esprit Saint répand toujours dans l’obscurité. Notre foi est appelée à voir que l’eau peut être transformée en vin, et à découvrir le grain qui grandit au milieu de l’ivraie » (Evangelii gaudium, 84).
Il est vrai que l’Église, aujourd’hui, chez nous, est petite et fragile, et que nos paroisses n’ont plus la vitalité qu’elles avaient il n’y a pas si longtemps encore. Cela ne devrait pas, pourtant, aussi préoccupant que ce soit, réduire notre engagement et notre ferveur, mais être pris au contraire comme un défi pour croître et pour avancer ensemble.
La question est bien celle de notre regard. Est-il effectivement un regard de foi capable de voir la lumière de l’Esprit dans l’obscurité au point de persévérer malgré les limites et les difficultés si apparentes ? Car c’est par notre persévérance qu’on a la vie et qu’on porte du fruit, dit Jésus. Sans persévérance, il n’y a ni ouverture, ni avenir.
La cigogne a décidément bien des choses à nous apprendre !