Durant la pandémie, beaucoup se sont mis à rêver le monde d’après, un monde plus équitable, plus solidaire, plus fraternel, un monde où chacun serait prêt à changer ses habitudes d’avant, son mode de vie, sa façon de consommer, un monde où tout serait différent. Il n’a pas fallu longtemps pour que ces rêves s’évanouissent tant on était impatient qu’après les confinements et les restrictions à répétition, la vie « normale » reprenne enfin.
Tout est donc reparti, de plus belle même, comme avant ! Jusqu’à ce que, à nos portes, la guerre, qu’on pensait définitivement derrière nous - comme les épidémies d’ailleurs -, vienne troubler la vie « normale » - cette vie d’avant tranquille, confortable, insouciante - qu’on venait à peine de retrouver. Comme ces gens dont Jésus a dit qu’ils ne se sont doutés de rien avant que le déluge les engloutisse tous (cf. Mt 24, 38-39), on ne l’a pas vue venir.
Pour le moment, elle nous paraît lointaine et ne nous concerner que parce qu’elle nous force à interroger nos habitudes d’avant que, durant la pandémie, on était pourtant si déterminés à changer, mais dont on a pas eu le courage tant on a vite compris ce qu’exigerait un tel changement et à quoi il nous faudrait renoncer. L’heure est ainsi aux économies ! Ce qu’il y a peu encore on gaspillait allègrement sans scrupules, on cherche soudain à l’économiser à outrance moins par conviction et par souci de l’avenir de la planète que pour réduire les dépenses et continuer à profiter d’une vie aussi « normale » que possible.
Le diocèse de Strasbourg n’a, lui aussi, pas tardé à adopter une charte de sobriété énergétique à la fois pour participer à la lutte contre le dérèglement climatique, être solidaire avec l’ensemble de la société et réduire les dépenses de fonctionnement, notamment des églises.
S’il est assez facile d’abaisser la température de sa maison voire d’éteindre l’éclairage public pendant une partie de la nuit - cela ne demande pas un fort engagement personnel et ne bouleverse pas notre vie « normale » -, serions-nous prêts - pour ne citer que l’une ou l’autre proposition de la charte - à ce que l’on ferme telle église inchauffable, que l’on privilégie telle autre pour que les offices soient célébrés dans de bonnes conditions, qu’il n’y ait par conséquent plus d’offices durant l’hiver dans chacune des églises - ce qui signifie moins de messes et, pour certains, de se déplacer plus -, que même les baptêmes et les obsèques n’aient lieu que dans les églises chauffées, qu’on en réduise sensiblement la température et qu’on y vienne avec son plaid ou son coussin ?
Serions-nous prêts à cela qui mettrait inévitablement en cause notre pratique religieuse « normale » à laquelle nous sommes si attachés ? Rien n’est moins sûr ! Ce qui est sûr, c’est que c’est à notre capacité à adopter de nouvelles habitudes qu’on vérifierait la qualité de notre foi. Car ce qui est premier, c’est notre foi, pas les conditions dans lesquelles on la pratique, aussi liées soient-elles.
Serions-nous prêts alors à cette « profonde conversion intérieure » à laquelle le pape François nous appelle pour se décider à changer nos habitudes et ne pas devenir incohérents (cf. Laudato si’, 217) ?
Sainte et joyeuse fête de Noël, à chacun !